A l’aube d’une nuit bleue, un de ces instants chauds et moites, où le temps s’arrête dans un nuage de poussière. Une véranda branlante, une orangeade et un Bourbon, rien à l’horizon, que les sillons d’une Amérique sèche et âpre, et une guitare. Entre chien et loup, les fantômes se glissent entre les maïs, et l’on reconnait peu à peu les pères fondateurs, Hendrix tout devant, oui, mais pas seulement. Car même si de fameux duos ont râpé, laminé et écorché le blues du Delta depuis l’avènement des White Stripes, Black Keys et consorts, il se passe autre chose dans le bouillon blues rock des Marshals, duo sévèrement burné rejoint par un harmonica étincelant et crado, suffisamment teigneux pour rehausser un guitare/batterie équipé de type V6 John Deere, dans son jus.Précédé de AYMF, album enregistré aux petits oignons à la maison, écrit et interprété avec le cœur, le temps et l’authenticité qui signent les vraies choses, les neuf titres des Courriers Session pataugent dans les boues et la fange du Mississippi, arrosant au passage les plaines du Middle-West, où l’on pourrait tout aussi bien croiser un Stevie Ray Vaughan qu’un frangin Fogerty, évadé de Creedence ou de O’Brother. La main est lourde, assène et tape fort, au rythme d’un binaire d’école impeccable, sec comme un coup de trique à la Petty, et assez gras pour enflammer un vieux ZZ Top, époque Fandango. Et quand la caresse finit par arriver, drapée dans un beau flanger ou un chorus plein d’étoiles, c’est le cœur qui tremble, qui frémit, qui s’emplit d’amour pour cette Amérique qu’on adore. Bref, si Robert Rodriguez envisage une « vraie » suite à sa nuit en enfer, ou si Tarantino sèche sur sa prochaine BO, un conseil : Les Courriers Session, par The Marshals, Bourbonnais, France. Hervé Deffontis.