Le 9 février prochain à Clermont-Ferrand, le Fotomat’ ouvrira ses portes sur un concert de jazz par le trio Cammack-Bacherot-Hazard. Nous avons rencontré Josselin Hazard, batteur de la formation, pour parler de l’histoire du trio, de l’album « The Pursuit » et de cette prochaine série de concerts en France.
Josselin Hazard
Publié le 21 janvier 2018
Pour commencer, peux-tu nous parler un peu de ton parcours ?
Je suis batteur, batteur de jazz essentiellement, originaire d’ici, j’ai commencé la musique petit à l’école de musique de Cébazat. Après je suis parti faire le conservatoire à l’ENM Villeurbanne, et c’est là que je me suis spécialisé en jazz et que j’ai été diplômé. Après j’ai pas mal voyagé, je suis allé travailler sur New York, en Afrique, en Asie, à droite à gauche. Je suis rentré dans la région il y a à peu près un an. Donc un parcours et des études classiques au départ, et puis sorti des écoles je suis beaucoup allé sur le terrain, j’ai privilégié les voyages pour m’immerger dans certaines choses, notamment le jazz. New York c’était pour cette raison-là notamment, les caves de jazz, prendre des cours avec les maitres dans mon domaine, des batteurs de jazz que j’écoutais sur des disques depuis longtemps.
Ces maitres et les gens qui t’ont inspiré en jazz ou autre, ce serait qui ?
Dans les maitres il y en a beaucoup et pas que des batteurs, moi je suis batteur mais j’ai été autant inspiré par des pianistes, des trompettistes ou des saxophonistes que des batteurs. Beaucoup qui sont maintenant morts, bien que le jazz soit une musique qui ne date que d’un siècle (1898-1899), beaucoup sont mort prématurément à l’âge de 30-35 ans. Il reste encore des survivants du début du siècle, aujourd’hui il y a Sonny Rollins, Roy Haynes qui est batteur ou Ahmad Jamal qui est pianiste. Le concert qu’on va faire ici c’est avec James Cammack, qui est le contrebassiste d’Ahmad Jamal. C’est avec lui que je travaille depuis 2-3 ans, des fois en France, des fois à New York, on a joué aussi en Afrique, au Sénégal. Et après si on parle des maitres batteurs qui m’ont beaucoup influencé : Elvin Jones, batteur de Coltrane, Art Blackey, Max Roach, Buddy Rich, Jack DeJohnette, son trio avec Keith Jarrett, Tony Williams. Et dans les plus récents, des batteurs comme Ari Hoenig, Eric Harland, Brian Blade. Pas mal d’influence aussi de Thelonious Monk, Mingus et Ahmad Jamal, que j’ai la chance de connaitre personnellement, et en connaissant l’homme je comprends encore mieux sa musique. Le lien étant James Cammack.
Est-ce que tu peux nous parler un peu plus de ta collaboration avec James Cammack et Antoine Bacherot ?
La rencontre d’Antoine et James ça va faire bientôt trois ans. Au départ Antoine a rencontré James sur un jam au Festival de Marciac, où Ahmad Jamal joue cette année-là. James sort du concert d’Ahmad Jamal, tout le monde va se coucher mais lui va se balader dans le village pour voir s’il y a un bœuf quelque part, et là il trouve Antoine, qui est un fan d’Ahmad Jamal. Donc Antoine va le voir pour parler musique et le contact passe tout de suite, James est très sympa et abordable, ils font le bœuf ensemble et gardent contact. Et un jour Antoine monte à New York en vacances, il l’appelle et ils se boivent un café à New York. Et ils se disent que ça serait cool d’organiser quelque chose en France. Et donc l’été 2015 Antoine invite James à Lyon, ils jouent au Péristyle à l’Opera de Lyon trois jours de suite.
Avec Antoine on se connaissait de Lyon, de l’ENM, où j’accompagnais les nouvelles promos dans leurs examens. Et quand il a invité James, il a eu l’idée de faire un truc tous les trois, sur une petite série de concerts. James connaissait un batteur anglais qui s’appelle Andy Barron, et donc Antoine a proposé de faire une partie des concerts avec Andy et une autre avec moi, et c’est comme ça que ça s’est passé. C’était une bonne expérience, on n’attendait rien spécifiquement, pas d’objectif de disque ou de tournée…
Après cette série de concerts on est allés faire une séance d’enregistrement ; on a fait des prises en vrac, joué des standards, on a passé une journée dans un studio à Roanne et à la fin de la journée on a pris les tracks mais on les a jamais sortis, c’était pour les garder en souvenir. James est rentré à New York, il a ré écouté les pistes avec sa femme, et je dirais que c’est là que l’histoire du trio a commencé. Il nous a recontacté avec Antoine un mois et demi plus tard, il nous dit qu’il a ré écouté ce qu’on a enregistré et que c’est super. Et l’année d’après c’est lui qui nous a invités à New York, pour aller jouer dans des clubs, donc on a fait quelques concerts là-bas. C’était une super expérience, moi ça faisait déjà deux ans que je partais à New York en freelance avec mon sac à dos, sans connaitre personne, en allant prendre un cours à droite à gauche, j’allais chez Ari Hoenig, je jouais dans les caves… et là cette fois on allait avec Antoine à New York pour quelque chose d’organisé par James, un concert officiel, où on était attendus avec le public de New York donc il y avait une pression particulière à aller jouer dans ce contexte, mais une pression plutôt positive. Donc ce trio il a commencé vraiment à naitre humainement et musicalement. Et comme James avait envie qu’on continue quelque chose ensemble pour les années à venir, on s’est dit qu’on allait refaire une session d’enregistrement six mois après. Quand lui était en train de nous programmer des choses à New York, nous on lui programmait des dates en France derrière, mais tout ça sans avoir de disque, sans support audio. Et donc là on se dit que ça fait un an qu’on bosse ensemble, qu’on va ré enregistrer un truc.
On retourne dans le même studio, Les Tontons Flingueurs, chez Pascal Coquard, et on dit qu’on va refaire des prises et que ça ne peut être que mieux. On fait deux jours de prises avec des morceaux d’Antoine, qu’il avait écrits pour le trio, quelques standards revisités, on enregistre huit morceaux et on en garde sept qui nous plaisent vraiment, et là on a un premier disque, en 2016. On a tout fait en autoproduction. Pascal qui tient donc le studio nous a fait les prises de son, le mix, le master. Et Julien Pianetti qui est graphiste à Clermont-Ferrand, nous a fait le design. Il est aussi batteur de jazz de formation, n’en a pas fait son métier mais est passionné de jazz et joue toujours à l’occasion. Donc le lien était évident, il connait très bien cette musique et le disque lui a tout de suite parlé.
La réalisation du disque a pris un peu de temps, et on n’était pas pressés de le sortir, on avait plusieurs versions de chaque morceaux donc on a écouté et ré écouté pendant quelques mois. Et ces versions-là on a choisi de les mixer, parce que cette fois ça racontait vraiment notre rencontre, notre histoire à trois. Avec James qui nous avait invités à New York il y avait une vraie réciprocité, et notre première session d’enregistrement ne racontait pas forcément ça, même si c’était incroyable pour nous à ce moment-là. Et dans six mois on aura encore des nouvelles compos, donc le concert qu’on va faire ça sera le disque, mais peut-être aussi des nouveaux morceaux… c’est en évolution permanente.
Le nom de l’album, The Pursuit, vient de James qui dans le studio, au milieu de la session d’enregistrement, s’est mis à philosopher sur ce qui était en train de se passer, et au bout de dix minutes il en ressortait ça. Il restait une des compos d’Antoine qui n’avait pas de nom, il avait écrit une mélodie et un thème mais pas encore mis de nom dessus, et ça correspondait parfaitement, donc en fait il nous a trouvé le nom de la compo et du disque ! L’idée c’est que dans la musique tout continue, tout avance toujours, rien n’est figé, c’est la poursuite des choses. Pour lui ça avait du sens, même après 35 ans de tournée avec Jamal partout dans le monde, c’est jamais fini, et avec nous il se sentait dans cet esprit-là, l’idée que tous les trois on va encore faire des choses.
On peut se procurer l’album ?
On n’a pas démarché de distributeur, on le vend en fin de concert, en direct. Les dates qui arrivent en février avec James, ça va être la première fois qu’on aura un disque à proposer à la fin du concert ! Et depuis peu, en vue du concert au Fotomat’, Julien a fait le lien avec la librairie Les Volcans et avec le Celtill, qui font relais billetterie et donc il y est en vente actuellement.
Le concert du 9 février se place dans une tournée ?
Oui en fait on sera avec James à partir du 29 janvier jusqu’au 11 février, donc quand on viendra faire ce concert-là ce sera sur la fin, on a un dernier concert le 10. La première semaine on va être sur Dijon, on nous a mis une salle à disposition où on va faire un concert le 3, et on va y bosser du 30 au 1er tous les trois sur de nouvelles compos et pour préparer les concerts. Le 2 c’est journée off je fais un autre concert à Lyon et je remonte le 3 pour jouer le premier concert, à Ahuy exactement, à côté de Dijon. Le 4 journée off je reviens à Clermont pour bosser avec un big band et ils me rejoignent ici le 5.
Et donc le 5 on ira faire une master class pour le département de jazz de l’école de musique de Cébazat. Ça me tenait à cœur puisque j’ai commencé la musique là-bas, de 7 à 17 ans. Donc j’ai proposé au directeur, Yann Maniez, avec qui je travaille aussi sur d’autres stages, d’amener James pour faire une conférence/master class, ce sera à La Muscade à Blanzat à 20h et c’est gratuit. Et donc on fera le concert au Fotomat’ le vendredi 9 à 21h, et entre temps on a un concert à Lyon le mardi au Sirius. Mercredi-jeudi on revient sur Clermont et là on a deux jours à travailler la musique, enregistrer… avec Théophane Bertuit qui a un studio, Polyphone Records, à Chadeleuf, et qui est un des partenaires du projet pour le concert. C’est lui qui va faire le son, il va enregistrer le live et sera avec nous les deux jours qui précédent le concert. Donc ce sera le seul concert en trio avec James Cammack et Antoine Bacherot sur Clermont, organisé par Julien Biesse ; Fabien Grivois (Aux Clés d’Accord à Gerzat) sera l’accordeur de piano pour ce concert, il va nous amener un piano à queue ; et il y aura Florent Rousset Farinelli (Paradigmes) et Jean Thirrée qui vont faire une captation vidéo du live. Et pour après James est déjà en train de nous organiser la tournée pour New York en mars…
Du coup le live sera filmé et enregistré, vous savez si vous en ferez quelque chose derrière ?
On sait jamais ce qu’on va faire derrière ! On n’a pas d’obligations, on ne sait pas, mais cette question-là, si on se la posait avant on se mettrait une pression particulière, qui serait pas en adéquation avec le projet. On n’habite pas à 500 mètres les uns des autres donc pour nous à chaque fois c’est un truc de l’instant. Tout ce qu’on a comme objectif c’est le plaisir de se retrouver et de faire de la musique ensemble, d’explorer la musique et d’aller plus loin encore tous les trois. On a cette liberté, on verra après ce qui peut en ressortir.
Et donc le live ce serait a priori compos et impros ?
C’est ça, le cœur de notre musique c’est l’improvisation, c’est au nerf de ce qu’on appelle « jazz » en Europe et de ce que James appelle « musique classique américaine ». Donc on a des thématiques, des mélodies de départ qui seront ou des compositions ou des standards, des grands classiques des années 1910-1920, qu’on a en commun parce que c’est notre culture commune, notre langage. La première fois qu’on s’est rencontrés avec James j’étais très mauvais en anglais et notre façon de dialoguer c’était ce qu’on avait en commun : les standards de jazz. Aujourd’hui j’ai bien progressé mais je me suis rendu compte à quel point la musique est un langage universel quand j’ai commencé à voyager, j’ai fait plein de contacts avec trois mots d’anglais, des gens qui ont voulu rester en contact avec moi alors qu’on pouvait pas échanger à part avec les yeux et avec la musique en fait.
Donc au sein de notre musique il y aura du vieux standard jazz revisité à notre sauce, au son du trio, et des compositions originales. Quand on commence le concert, on se dit en gros ce qu’on jouerait bien, et selon l’instant on change de plan, c’est comme ça qu’on fonctionne, c’est au ressenti du moment, on joue un morceau et à la fin on est dans une certaine énergie… donc la setlist n’est pas figée. Mais on joue sur des morceaux travaillés, on a tous fait des heures et des heures de potassage sur les standards, on n’arrive pas comme ça, mais on garde cette liberté pour avoir une espèce de fraicheur dans le jeu.
Est-ce que vous avez des idées pour d’autres dates, avec Antoine Bacherot notamment, comme celles qui ont eu lieu récemment au Fotomat’ ?
Oui on est en train d’en caler, on va faire une date avec le quartet de Gaspard Baradel [saxophoniste également habitué des soirées jazz au Fotomat’] le 14 mars, avec Gaspard, Antoine et Dominique Mollet. Après on en aura une le 21 avril et une le 4 mai. Donc les deux prochaines dates seront des concerts de jazz, et les suivantes seront plutôt des soirées impro libre.
Prochaines soirées jazz en préparation au Fotomat’ (plus d’infos à retrouver bientôt sur la page du Fotomat’ et dans l’agenda VoltBass) :
– Vendredi 9 février : Trio Cammack-Bacherot-Hazard
– Mercredi 14 mars : Quartet Baradel- Bacherot-Mollet-Hazard
– Samedi 21 avril : soirée Free Burning Jazz à l’occasion du Disquaire Day : impros libres, performances textuelles et sonores avec lectures par Jean Luc Guitton ; enregistrement, gravure vinyle et slap back par Théophane Bertuit
– Vendredi 4 mai : trio Bacherot-Hazard-Baradel
– Vendredi 25 mai : soirée Potlatch – Mai ’68 : musique, textes, impros, expos, gravure vinyle…
– Samedi 16 juin : soirée Free Burning Jazz à l’occasion de la sortie du disque qui compilera divers enregistrements des soirées passées
On commence donc par le trio Cammack-Bacherot-Hazard le 9 février ; préventes, billetterie et disques disponibles à la Librairie Les Volcans et au bar Le Celtill.
Merci à Josselin et à Julien Biesse pour l’organisation de l’interview.